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Photo du rédacteurMarion & Virginie

Série "Ados et Porno" - Ép. 1 : Les expositions involontaires

Dernière mise à jour : 10 oct. 2022


Comme tous les parents, vous en êtes sur·e·s et certain·e·s : votre ado ne cherchera jamais à voir du porno. Ce à quoi je répondrai : "Peut-être, mais iel risque d'en voir quand même... alors parlons-en."


I. Les études sociologiques


Il existe de nombreuses études sur la consommation de pornographie par les ados français Malheureusement, elle datent toutes de plusieurs années (donc la situation a grandement pu évoluer depuis) et leurs résultats diffèrent parfois beaucoup sur un même point. Par exemple : le site du gouvernement destiné à informer les parents sur ce sujet [1] annonce que « 62 % des jeunes ont vu leurs premières images pornographiques (…) avant 15 ans », alors que l’IFOP [2] estime cette part de la population à 51%.

Toutes les études s’accordent néanmoins sur un même constat :


La majorité des filles et garçons de 15 ans a déjà vu de la pornographie, découverte parfois même avant 10 ans, essentiellement sur un téléphone portable.

La première exposition involontaire peut se faire lors d’une simple recherche d’informations générales, une tentative de téléchargement d’un film « classique », via les réseaux sociaux ou par un·e ami·e.

Les jeunes sont alors connecté·e·s à des sites gratuits, les « tubes », où des milliers de vidéos sont mises à disposition gratuitement 24h/24. Si obstacle technique il y a, il s’agit d’un « disclaimer » : une déclaration sur l’honneur de l'internaute qu'iel est majeur·e, faite par un simple clic. Ces tubes, énormément fréquentés depuis l’arrivée d’internet à haut débit dans les foyers il y a 20 ans, ne subissent aucun contrôle sur leur contenu, proposant des images potentiellement choquantes, dont la vision peut nuire aux mineur·e·s.


II. La première exposition


L’usage des dictionnaires en papier étant totalement obsolète, la première exposition involontaire peut avoir lieu lors d’une simple recherche de définition. On prendra comme exemple une enfant de 7 ans de notre connaissance, surprise par sa baby-sitter à chercher des images de « vrais anus ». (Le mot « vrai » s’étant surement ajouté à sa recherche après la découverte de l’existence d’anus artificiels). On peut donc facilement imaginer des adolescent·e·s faisant des recherches sur des pratiques sexuelles qui leur seraient inconnues, après les avoir entendues citées dans des vidéos de Youtubeur·beuse·s [3], ces jeunes adultes dont les blagues sont très souvent sexuelles.


Des images pornographiques peuvent aussi s’afficher lors d’une tentative de téléchargement frauduleux d’un film « classique » : d’après le rapport gouvernemental Prévention de l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques sur internet [4] de 2019, dans 1 quart à 1 tiers des cas, c’est un film pornographique qui sera reçu à la place du film demandé.

Il semble que certaines jeunes filles soient exposées à des images pornographiques pour la première fois par leurs partenaires (13 % selon l’IFOP, 52 % selon le sociologue Michel Bozon [5]).


Et d’après plusieurs témoignages, certains enfants découvrent la pornographie sur l’écran de télévision familial, avec leur fratrie… ou leurs parents eux-mêmes, qui semblent trouver le programme assez banal pour le regarder en présence des enfants.




III. La pornographie sur les réseaux sociaux


Un affichage pornographique non sollicité peut également survenir par les réseaux sociaux. Les applications les plus utilisées par la « génération Z » (les personnes nées après 2000), sont Instagram (84 % d’entre elles), Snapchat (76 %) et TikTok (52 %).


Bien qu’Instagram prétende filtrer les contenus à caractère sexuel, l’expert en compétences médias Michael In Albon nous informe qu’« on y trouve néanmoins des comptes qui appâtent les utilisateurs en affichant de jolies femmes avant d’en venir rapidement à : “ Tu veux accéder gratuitement à des contenus pornos? Clique ici ! ” ».[6]


D’après le Roi des Rats (un vidéaste français de 25 ans connu pour alerter sur les dérives et dangers d’internet), un abonné de Snapchat peut y suivre des comptes payants approvisionnés quotidiennement par des stars du porno (… tout comme y recevoir des propositions de femmes prostituées). [7]


Quant à TikTok, le Roi des Rats en explique les dangers dans une excellente vidéo pédagogique destinée aux parents [8]. La plateforme était initialement destinée aux vidéos de danse, réalisées et partagées par les abonné·e·s afin de recueillir le plus possible de marques d’appréciation (les « likes »). Les jeunes filles, remarquant que les comportements sexualisés en récoltent plus, y sont encouragées de fait à réaliser les chorégraphies les plus sexy possibles, dans des tenues minimalistes. Bien qu’on n’y voie aucun organe sexuel en activité, certaines compilations de ces vidéos de danse sont néanmoins diffusées ensuite (sans l’accord des jeunes, bien sûr !) sur des sites pour adultes, ce qui nous confirme leur dimension pornographique.

Il y a également des vidéos de scatophilie, zoophilie, et des témoignages de jeunes racontant des expériences sexuelles positives à leurs yeux CAR violentes (!)…

Rappelons qu’avec 1 milliard d’utilisateurs actifs par mois en 2021 [9], l’application est la préférée des moins de 15 ans. (Le Roi des Rats évoque le compte d’une danseuse « sexy » de SEPT ans, qui a plus de 200 000 abonnés sur Instagram !) Le site rassemble donc également des milliers d’adultes pédophiles : le Roi des Rats y a découvert, entre autres, un homme de 32 ans, également présent sur Instagram et Twitter, en relation avec 7000 enfants ! [10] Ceux-ci abreuvent les ados de photos de leurs propres parties génitales, de demandes de photos et d’informations intimes, de compliments déplacés, voire d’insultes sexuelles et sexistes.

Violence, sexisme, exposition de son intimité à des inconnus, mérite attribué selon l’aspect physique et le degré de provocation sexuelle, algorithme enfermant dans un type de contenus, absence de protection vis-à-vis des agresseurs potentiels, exploitation financière non consenties des personnes présentes à l’image… on retrouve donc de nombreux éléments de la pornographie sur les réseaux sociaux que les ados consultent au quotidien, sans que les adultes ne l'imaginent.


IV. Ce qu'en dit la loi


D’après Simon Takoudiou, avocat [11], « La loi du 30 juillet 2020 est venue ajouter un dernier alinéa à l’article 227-24 du Code pénal, qui incrimine l’infraction de fabrication, de transfert ou de diffusion de message à caractère violent ou pornographique à l’encontre d’un mineur » y compris si celui-ci déclare être majeur.


Mais l'interdiction de produire de telles images en France ne modifie en rien la situation, puisque 96% sont fabriqués à l’étranger. C’est donc sur leur diffusion que des associations de protection de l’enfance se sont mobilisées en juillet 2021. Malheureusement, leur requête (faire bloquer certains grands sites jugés trop faciles d’accès pour les mineur·e·s) a été rejetée.


De son côté, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a sommé plusieurs sites (dont Pornhub, XHamster, Xvideos et XNXX) d’empêcher la consultation des mineur·e·s. sous peine de voir leurs plateformes bloquées sur décision judiciaire. D’après Maître Takoudiou, plusieurs solutions techniques ont été évoquées, comme indiquer en ligne son numéro de carte d’identité, passeport ou carte de crédit (sans qu’elle soit débitée), ou encore recourir à France Connect. Mais ces mesures ne sont pas applicables, car contrevenant à la protection de la vie privée des utilisateurs, et à la sécurisation de leurs données, augmentant les risques de piratages informatiques, chantages et autres prélèvements financiers abusifs. C’est en tous cas l’argument des FAI, les Fournisseurs d’Accès à Internet (Bouygues, Free, Orange, SFR, etc.), désignés comme les principaux opposants à la régulation par la journaliste féministe Ovidie [12].


Effectivement, contrairement à la croyance populaire, le problème semble bien venir des professionnels du numérique, et non du milieu de la pornographie. Car même certains producteurs de films réclament une application stricte de la loi, afin de protéger leurs intérêts commerciaux, et de favoriser la qualité des productions visuelles.


(Ovidie déplore d’ailleurs à ce sujet que les législateurs comme le grand public portent sur le monde de la pornographie un regard par trop simpliste : « Aucun distinguo n’est établi entre ce qui est légal et ce qui ne l’est pas, ce qui est violent et ce qui est consenti, ce qui est profondément normatif et ce qui se veut éthique ».)


À ce jour, en août 2022, deux ans après le vote de la loi, aucune solution concrète n’a été mise en place pour protéger les mineur·e·s de la pornographie.



Conclusion : "Mais qu'est ce que je peux y faire ?"


C'est ce que nous évoquerons dans le 2ème épisode de

Notre série "Ados et Porno"

Épisode 1 : Les expositions involontaires

Épisode 2 : Comment protéger nos enfants ?

Épisode 3 : Hypersexualisation et pornographie : cause ou conséquence ?

Épisode 4 : L'impact sur leur sexualité : le grand mystère


Pour ne pas les rater, je vous suggere de vous abonner à notre newsletter en bas de page (3 par an).



Allez, à plus, les ami·e·s.

Virginie Bouffart



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[1] Site du gouvernement français Je protège mon enfant de la pornographie, https://jeprotegemonenfant.gouv.fr/pornographie/

[2] Étude de l’IFOP (Institut français d'opinion publique) pour l’OPEN (Observatoire de la Parentalité et de l'Éducation Numérique) : Les ados et le porno : le X a un coup de clic. 2017. https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/03/3698-1-annexe_file.pdf

[4] Christophe TARFIEU et Philippe SCHIL, Rapport Prévention de l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques sur internet, 2019. https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2021/2019-M-037-02%20Pr%C3%A9vention%20mineurs.pdf

[5] Michel BOZON, Autonomie sexuelle des jeunes et panique morale des adultes, chez Agora Débats/Jeunesses, 2012. https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2012-1-page-121.htm


[6] Corinne LUTZ, Violence et pornographie sur les réseaux sociaux, Swisscom Magazine, 2021. https://www.swisscom.ch/fr/magazine/numerisation/violence-et-pornographie-sur-les-reseaux-sociaux/

[7] SAINT-SERNIN, Qui suivre sur Snapchat quand on veut voir du porno : notre top 2019, Le Tag parfait, 2019.

[8] LE ROI DES RATS, Le plus grand problème de TikTok : l'hypersexualisation, 2021. https://youtu.be/beaYGwONito

[9] Héloïse FAMIE-GALTIER, Étude : l’usage des réseaux sociaux par la génération Z en 2022, sur BDM, le média des pros du digital. 2022.

[10] LE ROI DES RATS, Les dérives d’Instagram (Arnaques etc..), 2018.


[11] Simon TAKOUDJOU, La loi du 30 juillet 2020 : la fin de l’accès libre aux sites pornographiques ? (partie 1). sur le site Village de la justice, la communauté des métiers du droit, 2021. https://www.village-justice.com/articles/porno-sans-moderation,39239.html

[12] OVIDIE, A un clic du pire, la protection des mineurs à l’épreuve d’internet, 2018.

Éditions Anne Carrère.


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1 Comment


parlonscrush-web
Oct 10, 2022

Merci pour cet article, sa mise à disposition gracieuse de votre recherche et les liens des sources. J'ai hâte de lire la suite.

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